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Quand les mots français flirtent avec l'anglais
Virginie Montet
Agence France-Presse
Washington
«À la carte», «par excellence», «cul-de-sac» mais encore «bête noire», «vis-à-vis» ou «femme fatale»: les mots français empruntés par l'anglais américain sont nombreux et bien vivaces, même si leur origine française s'est dissipée sous l'accent de ceux qui les emploient

«En général les mots empruntés au français l'ont été parce que la France avait une image stéréotypée d'élégance, de raffinement et de culture générale», affirme Loretta Clough, directrice adjointe de l'école des langues de l'Université du Maryland.

La semaine de la langue française du 10 au 20 mars célèbre cette année à travers des manifestations culturelles en France et à l'étranger «les mots migrateurs» et les emprunts de vocabulaire d'une langue à l'autre.

«À un moment donné, ces mots s'indigénisent, ne sont plus écrits en italique dans la presse et sont prononcés avec l'accent. Alors, les gens ne savent plus d'où ils viennent», explique Mme Clough, interrogée par l'AFP.

C'est le cas de «rendez-vous», «déjà vu» (prononcé déjàvou), «brouhaha» au H très fort, «crème-de-la-crème», «savoir-faire» ou «cliché».

Certains ont leur sens propre, éloigné de leur usage dans la langue française: «entrée» signifie plat principal, «resumé» évoque un curriculum vitae, «cause célèbre» est presque plus employé dans les commentaires politiques qu'il ne l'est en français.

L'expression «du jour» connaît une grande fortune. «Au début, on employait dans les restaurants soup du jour, voire même soup du jour of the day», note Mme Clough. Le terme est désormais associé à tout concept et l'on peut voir «issue du jour» pour «problème du
jour» ou encore «danger du jour».

Les domaines les plus riches en emprunts français relèvent des discours diplomatique et politique, mais aussi du monde de la cuisine, de la mode, de la femme et de la critique culturelle, note Madeleine Hage, professeur de français émérite à l'Université du Maryland

Ainsi «attaché», «vis-à-vis», «tête-à-tête», «faux pas», «coup d'État», «aide de camp» et «chargé d'affaires» se retrouvent dans les éditoriaux du Washington Post ou du New York Times comme des séquelles du statut de langue diplomatique dont jouit encore le français.
Dans la mode, «très chic» et «dernier cri» sont très courus sans parler de «couturier» complètement intégré. «Petite» est devenu une taille de prêt-à-porter.

Autour du monde de la femme et pas toujours pour le meilleur, les exemples fourmillent avec «brunette», «gamine», «femme fatale», tandis que «Madam» signifie aussi «tenancière de maison close», peut-être en référence à la célèbre Madame Claude.

Dans le cinéma et les arts, «avant-garde», «film noir» et «succès fou» sont utilisés par la critique mais c'est évidemment dans le domaine de la «cuisine» que les références sont plus nombreuses. «Au jus», «à la mode», «à la carte», «petit four» et «crème brûlée» sont totalement adoptés.

Lorsqu'ils sont employés pour être reconnus comme venant du français, ces
mots portent une intention qui peut aller du snobisme jusqu'à l'ironie.

«Le mot français semble souligner la culture de ceux qui l'utilisent», diagnostique Amadou
Koné, professeur de littérature à Georgetown University.

«Quand j'utilise un mot français devant mes étudiants, ils savent que c'est pour l'effet», résume Naomi Baron professeur de linguistique anglais à American University.

«Qualifier cela de snobisme serait beaucoup dire, mais ce n'est pas loin!» plaisante Mme Clough de l'Université du Maryland.

Pour le meilleur effet, les amatrices de mode à petit budget, qui font leurs achats chez Target (prononcé en anglais Targuett), une chaîne populaire de distribution aux États-Unis, se surprennent même à prononcer de bonne foi la marque à la française: «Tarjé»!

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